Analyse Empirique des Jugements des Juridictions Nationales en Arbitrage Commercial: Que nous disent les Données?

Le 6 juin 2022, le Journal of International Arbitration Numéro spécial sur les travaux Empiriques en Arbitrage Commercial, a été publié, édité par le Dr Monique Sasson, Dr Crina Baltag, Roger P. Alford, Matthew E. K. Hall, sous la direction générale du Prof. Dr. Max Scherer. Le Numéro Spécial comprend également des articles rédigés par le Professeur Loukas Mistelis, Prof. Dr Max Scherer, Dr Ole Jensen, Giammarco Rao, Laurence Shore, Vittoria De Benedetti, Mario de Nitto Personnè, Cecilia Carrara, Elina Mereminskaya, Ioana Knoll-Tudor, Arthur Donget Alex Yuan.

Les recherches empiriques présentées dans ce Numéro Spécial est basé sur l’arbitrage Kluwer Base de données (“Base de données”) et s’appuie sur un ensemble de données qui comprend toutes les décisions judiciaires nationales sur la reconnaissance, l’exécution et l’annulation des sentences arbitrales commerciales internationales disponibles dans la Base de données et rendues du 1er janvier 2010 au 1er juin 2020. La recherche empirique comprend 504 actions vacatur et 553 actions de reconnaissance et d’exécution. Les tribunaux nationaux de 74 juridictions différentes ont rendu ces décisions.

La recherche a codé tous les arguments soulevés par les défendeurs pour s’opposer à la reconnaissance et à l’exécution des sentences en vertu de l’article V de la Convention des Nations Unies sur la Reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, ainsi que tous les arguments soulevés par les défendeurs pour tenter d’annuler des sentences fondées sur les motifs énoncés à l’article 34 de la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international.  Il existe plusieurs autres motifs, en dehors des deux instruments mentionnés ci-dessus ont été identifiés dans la base de données.

Ce type de recherche empirique est couramment effectué dans l’arbitrage d’investissement, mais il est rarement tenté dans l’arbitrage commercial. Comprendre le succès de l’exécution et de l’annulation des procédures est généralement laissé à la dépendance sur des preuves anecdotiques, ce qui n’est pas satisfaisant. De plus, il est nécessaire d’examiner les données de plusieurs juridictions pour comprendre dans quelle mesure l’impression générale selon laquelle les sentences arbitrales commerciales sont finalement confirmées par les tribunaux est correcte.

La recherche empirique portait sur des jugements de tribunaux portant sur 104 nationalités de demandeurs (50% des cas provenaient de 16 nationalités; les États-Unis représentaient le pourcentage le plus élevé avec 8,8%) et 107 nationalités de défendeurs (50% des cas provenaient de 14 nationalités; les États-Unis représentaient le pourcentage le plus élevé avec 9,8%).

La majorité de ces jugements de cour découlent d’arbitrages administrés. Il y avait 110 institutions arbitrales différentes (9 institutions administraient 48% des sentences pertinentes) mentionnées dans les arrêts de la cour. La probabilité qu’une sentence soit exécutée était de 78% dans toutes les actions déposées dans le cadre de procédures administrées par les neuf institutions arbitrales les plus représentées. Dans le cadre de la procédure de vacatur, 75% des demandes déposées par les intimés visant à annuler la sentence ont été rejetées (soit un taux de réussite de 75% pour la préservation de la sentence).

La recherche a d’abord analysé les données générales, puis abordé certaines questions spécifiques:

(je) Nullité des Conventions d’Arbitrage et Droit Applicable – Le professeur Scherer et le Dr Jensen ont analysé les contestations de la validité des conventions d’arbitrage, qui étaient en cause dans près d’un cinquième des décisions de la cour suprême.

(II) Non-Signataires – Le professeur Mistelis et le Dr Rao ont abordé la question de « l’extension » de la convention d’arbitrage aux non-signataires menaçant l’exécution de la sentence.

(III) Clauses Pathologiques – M. Shore, le Dr De Benedetti et le Dr De Nitto ont examiné cette objection de compétence, qui a été soulevée dans 21% des cas d’application de la base de données et n’a abouti que dans 23% des cas.

(IV) Conflits d’Intérêts – Le Dr Carrara a examiné la question des conflits d’intérêts, de l’impartialité et de l’indépendance des arbitres.

(v) Exécution des sentences annulées – Le professeur Baltag a analysé l’exécution des récompenses laissées vacantes au siège.

(vi) Politique Publique – Le Dr Sasson a analysé les décisions sur les politiques publiques. Les objectifs fondés sur l’ordre public ont été relevés dans 44% des procédures de reconnaissance et d’exécution et dans 38% des procédures d’annulation. Le taux de réussite de ces objectifs était faible: 19% et 21%, respectivement.

(vii) Procédures d’annulation, de Reconnaissance et d’exécution en Amérique Latine – Le Dr Mereminskaya a abordé les approches jurisprudentielles les plus récentes de l’arbitrage international en Amérique latine, en particulier en Argentine, en Colombie, au Costa Rica, au Chili, en République dominicaine, au Mexique et au Pérou.

(viii) Procédures d’annulation, de Reconnaissance et d’Exécution en France – Le Dr Knoll-Tudor a examiné des affaires de Convention de New York et d’annulation en France.

(ix) Procédures de reconnaissance et d’exécution en Chine. Les docteurs Dong et Yuan ont analysé les jugements des tribunaux chinois.

Conclusions générales à tirer des Données

(je) Le Faible Taux De Réussite Des Candidatures Vacatur: 23% (19% dans les neuf plus grandes juridictions) sans variations significatives entre les tribunaux de diverses juridictions.

II) Le Taux De Réussite Élevé De L’Application De La Loi: 73% (71% dans les neuf plus grandes juridictions), encore une fois sans variations significatives entre les tribunaux de diverses juridictions.

Il est à noter que, malgré le manque d’uniformité dans les actes législatifs d’annulation à travers le monde, les pourcentages de confirmations des sentences en vertu des lois nationales d’arbitrage, et de reconnaissance et d’exécution des sentences étrangères en vertu de la Convention de New York sont très similaires (77% et 73%).  Cela indique que l’impression générale que les procédures d’annulation sont paroissiales et pas particulièrement favorables à l’arbitrage, en raison de l’absence d’une convention internationale les réglementant, est erronée.

Deuxièmement, il n’existe aucune preuve statistiquement significative que le choix de l’institution d’arbitrage aura une incidence mesurable sur les résultats de l’exécution. La CPI représentait plus de 20% des affaires de l’ensemble des données; rien ne prouvait que cette institution s’en tirait mieux que d’autres en termes d’exécution ou de résultats d’action vacatur. Cette base de données met également en évidence l’utilisation généralisée des institutions d’arbitrage du monde entier, de l’Albanie à la Zambie.

Troisièmement, l’arbitrage commercial international est très majoritairement une affaire privée. Les partis gouvernementaux ne figurent que dans 6% des cas de la base de données. De plus, qu’il y ait eu ou non une partie gouvernementale dans l’arbitrage, il y a peu de preuves d’un avantage du “terrain”. Autrement dit, il n’existe aucune preuve directe reliant la nationalité des parties et l’issue de la vacatur ou de la procédure d’exécution.

Quatrièmement, les motifs de contestation les plus courants ne sont pas les plus efficaces. Les arguments fondés sur l’ordre public ou une convention d’arbitrage invalide sont le plus souvent soulevés par le défendeur dans les procédures d’exécution, mais sont relativement infructueux. De même, les arguments fondés sur la politique publique et l’incapacité de présenter sa cause sont le plus souvent soulevés dans le contexte de vacatur, mais sont relativement infructueux (“aucun avis de nomination d’arbitre” a été le plus réussi).

Cette analyse empirique n’est qu’un point de départ. Il y a beaucoup de questions sans réponse qui découlent de cette étude. Nous n’avons pas analysé, par exemple, des questions telles que le coût ou la durée de l’arbitrage, la composition des tribunaux ou la démographie des arbitres, l’application des conventions d’arbitrage. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour répondre à ces questions et à d’autres.

Enfin, les articles de la Numéro Spécial offrir une analyse empirique détaillée de l’exécution par les tribunaux nationaux des sentences arbitrales commerciales internationales. Mais il n’est pas exhaustif et de nombreuses questions nécessitent des recherches supplémentaires. Nous nous sommes concentrés sur l’analyse des affaires depuis le 1er janvier 2010 et avons codé les procédures judiciaires nationales incluses dans la base de données. Il y a un biais de sélectivité inhérent à l’analyse de ces cas, parce que les journalistes et les éditeurs ont choisi d’inclure dans cette base de données uniquement les cas qui sont susceptibles d’être pertinents pour la communauté de l’arbitrage commercial international.

Il n’existe pas d’autre base de données équivalente relative aux décisions d’arbitrage commercial international devant les tribunaux nationaux. Il faut donc tirer des conclusions et extrapoler à partir de ces cas, en reconnaissant les limites de la base de données. Nous espérons que l’enthousiasme avec lequel les praticiens et les universitaires ont adopté l’empirisme juridique dans le contexte de l’arbitrage d’investissement se traduira par le monde de l’arbitrage commercial international