Compte tenu des nombreuses discussions en cours, en particulier dans le milieu universitaire, sur les lacunes perçues, les maux et la disparition présumée du règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS), il est parfois facile d’oublier que le système est bien vivant et que nous ne devrions pas jeter le serviette pour l’instant. Merci, le mois dernier CIRDI a publié son rapport annuel pour l’année 2022 exercice financier, illustrant le volume considérable des développements dans le droit international de l’investissement et fournissant une image plus nuancée (ou, osons-le dire, équilibrée) de l’ISDS.
Cet article résume le rapport déjà accessible et donne un aperçu comparatif des chiffres en comparant les chiffres aux statistiques de 2021 à 2018.
1. Cas nouveaux et administrés
En 2022Le CIRDI a enregistré 50 nouvelles affaires qui, bien qu’une baisse par rapport aux 70 enregistrées au cours de l’exercice 2021est toujours très conforme aux statistiques des dernières années (FY2020 – 40 ans, exercice 2019 – 52 ans, exercice 2018 – 57). L’exercice 2022 a marqué une augmentation d’une année sur l’autre du nombre de cas administrés – 346, contre 332 au cours de l’exercice 2021 (exercice 2020 – 303, exercice 2019 – 306, exercice 2018 – 279). Dans l’ensemble, le nombre total d’affaires administrées par le CIRDI s’élève désormais à un respectable 888. Comme les années précédentes, le Secrétariat du CIRDI a également administré un plus petit nombre d’affaires non CIRDI (principalement en vertu du Règlement de la CNUDCI et d’autres ad hoc règles).
2. Compétence
Au cours de l’exercice 2022, la majorité (56 %) des affaires ont été introduites dans le cadre de traités bilatéraux d’investissement (TBI) (exercice 2021 – 63 %, exercice 2020 – 57 %, 2019 – 64 %, 2018 – 60 %). Il y a eu une légère augmentation (de +3%) des affaires introduites dans le cadre du traité sur la Charte de l’énergie (11 %), même si cette proportion reste inférieure à celle de l’exercice 2020 (16 %). À cet égard, les commentateurs ont fait remarquer que cette augmentation se poursuivra à la lumière des nouvelles concernant le processus de modernisation de l’ECT (voir analyse ici et ici). Alors que la grande majorité des affaires restantes ont été portées en vertu de divers accords multilatéraux d’investissement (MIT), une proportion souvent négligée invoque la compétence découlant d’un contrat d’investissement. Ce nombre est à deux chiffres ou presque depuis des années, en effet, au cours de l’exercice 2022, il a de nouveau dépassé l’ECT (exercice 2022 – 13 %, exercice 2021 – 7 %, exercice 2020 – 11 %, exercice 2019 – 15 %, exercice 2018 – 14 %). Encore une fois, les commentateurs ont franchement commencé à prendre note de cette évolution et de son augmentation potentielle à l’avenir.
3. Répartition géographique des cas
Il y a eu de légers changements dans la répartition des cas au cours des 5 dernières années sans que de nombreuses tendances claires n’apparaissent. Certains commentateurs ont suggéré que la décision de l’UE d’interdire l’ISDS intra-UE pourrait entraîner une baisse du nombre de cas. Les chiffres ne semblent pas (pas encore du moins) refléter cet impact. Premièrement, la plupart des TBI intra-UE ont été résiliés en 2021 à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans Ahmée et en tant que telle, la période de référence de ce rapport a probablement été moins affectée par ces développements que dans les années à venir. Deuxièmement, la proportion de nouveaux cas enregistrés en « Europe de l’Ouest » a toujours été plutôt faible (exercice 2018 – 4 %, exercice 2019 – 10 %, exercice 2020 – 13 %, exercice 2021 – 10 % et cette année – 8 %). Il convient toutefois de noter que le CIRDI classe des États tels que la République tchèque et la Lituanie, tous deux États membres de l’UE, sous la rubrique « Europe de l’Est et Asie centrale ». Cela signifie que sans plonger beaucoup plus profondément dans les statistiques, il est difficile de dire quel impact la décision de l’UE d’interdire l’arbitrage intra-UE a eu sur l’ISDS en Europe.
En parlant de la région d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, alors qu’au cours de l’exercice 2018, elle était responsable de 40 % des nouveaux cas enregistrés, ce nombre est en baisse (mais pas de manière constante) depuis des années et est maintenant de 20 %. La tendance la plus visible est peut-être la croissance des cas enregistrés en « Amérique centrale et Caraïbes », qui s’élève désormais à 12 %. L’Amérique du Sud était la plus grande région singulière au cours de l’exercice 2022, responsable de 22 % des nouveaux cas, contre 14 % au cours de l’exercice 2021, mais toujours en baisse par rapport à son record de 32 % au cours de l’exercice 2020. Encore une fois, d’autres régions ont été plutôt constantes au fil des ans. Parmi ceux qui ne sont pas encore mentionnés, au cours de l’exercice 2022, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord représentaient 12 % des nouveaux cas, l’Afrique subsaharienne 12 % supplémentaires, l’Asie du Sud et de l’Est et le Pacifique 8 % et l’Amérique du Nord (y compris le Mexique) pour les derniers 6 %.
4. Objet : secteurs économiques
Les secteurs économiques impliqués dans les procédures CIRDI sont divers. Au cours des cinq dernières années, chaque rapport annuel a décrit au moins neuf catégories de secteurs économiques, le pétrole, le gaz et les mines, l’énergie électrique et les autres énergies et la construction étant systématiquement les trois principaux. Les autres secteurs comprennent les technologies de l’information et des communications (TIC), le tourisme, les transports, la finance, l’agriculture, entre autres.
Au cours de l’exercice 2022, une proportion d’affaires issues de litiges impliquant l’énergie électrique et les autres énergies (24 %), a pour la première fois dépassé celle du pétrole, du gaz et des mines (22 %). Le premier a également atteint son plus haut niveau, tandis que le second est passé de 30 % au cours de l’exercice 2020 à 29 % au cours de l’exercice 2021. Cette augmentation constante des litiges impliquant des domaines tels que les énergies renouvelables ne devrait pas surprendre les observateurs. La croissance des affaires ISDS impliquant l’énergie électrique et les autres énergies doit être saluée, montrant non seulement que le secteur est en train de mûrir, mais aussi que le droit international des investissements protège non seulement les entreprises « malveillantes », mais peut-être aussi les « gentils »… ou à du moins les gars dont nous avons vraiment besoin à ce stade de la transition énergétique.
5. Résultats
Comme toujours, les statistiques sur les résultats s’avèrent peut-être la lecture la plus intéressante. Le CIRDI rapporte qu’au cours de l’exercice 2022, 29 affaires ont été jugées et 27 autres affaires ont été réglées ou abandonnées.
Dans son rapport 2022 ICSID Caseload Statistics (numéro 2022-2), le CIRDI explique que parmi les 27 affaires réglées ou abandonnées, 48 % ont été réglées à la demande des deux parties, 30 % à la demande d’une partie (en vertu de l’article 44 du Règlement d’arbitrage du CIRDI et Installations supplémentaires Règle 50), 18 % ont été interrompus pour défaut de paiement et dans les 4 % de cas restants, l’accord de règlement a été incorporé dans la sentence.
En ce qui concerne les 29 affaires jugées, dans 14 d’entre elles, les tribunaux ont accueilli les demandes en tout ou en partie, et dans 15, ils ont tranché en faveur des intimés (dans huit affaires, toutes les demandes ont été rejetées, dans six tribunaux se sont déclarés incompétents et, dans un cas, le Tribunal a rejeté la demande pour être manifestement sans fondement juridique). Comme indiqué ci-dessous, cette tendance, qui favorise légèrement les États, reflète les tendances des années précédentes, à la petite exception de l’exercice 2018. Ces chiffres sont particulièrement intéressants compte tenu des appels croissants à l’abandon du système ISDS, qui favorise apparemment de manière disproportionnée l’investisseur.
Enfin, comme la plupart des années précédentes, en 2022, toutes les procédures d’annulation ont été infructueuses. Dans les 17 procédures d’annulation conclues au cours de l’exercice 2022, le ad hoc les comités ont rejeté les demandes à 14 reprises, tandis que les autres cas ont été abandonnés. Encore une fois, cela marque la cohérence des procédures CIRDI, comme l’année précédente ad hoc les comités n’ont annulé qu’un prix (une fois partiellement au cours de l’exercice 2021, une fois au cours de l’exercice 2020, une fois partiellement au cours de l’exercice 2019).
6. Nominations au Tribunal
Le manque de diversité est un problème permanent dans l’ISDS. Dans l’enquête sur l’arbitrage international 2021, alors que plus de la moitié des personnes interrogées s’accordent à dire que des progrès ont été accomplis en termes de diversité des genres, moins d’un tiers pensent que cela est vrai en ce qui concerne la diversité géographique, d’âge, culturelle et, surtout, ethnique. Bien que les rapports annuels du CIRDI ne tiennent pas compte de l’appartenance ethnique dans leurs statistiques, ils rendent compte de la répartition géographique des nominations par le CIRDI et les parties. Ainsi, au cours de l’exercice 2022, 182 nominations ont été faites aux tribunaux, commissions et ad hoc Comités où des individus de 42 nationalités étaient représentés (au cours de l’exercice 2020, il a atteint un nombre plus élevé, à 44). Notamment, malgré un nombre croissant de cas, chaque année, la proportion de premiers rendez-vous reste plutôt faible : au cours de l’exercice 2022 et de l’exercice 2021 – 11 %, de l’exercice 2020 et de l’exercice 2019 – 15 % et de l’exercice 2018 – 17 %. Peut-être que les paroles de Jean Paulson en 2010 sonne encore vrai aujourd’hui : « se vanter d’un flux constant de nouveaux entrants imbéciles que personne ne connaît dans le domaine ».
Bien que les chiffres restent décevants, le CIRDI lui-même joue en fait un rôle de premier plan dans le changement du Status Quo. Ainsi, par exemple, alors que les femmes représentaient 24 % de toutes les nominations effectuées dans les affaires CIRDI au cours de l’exercice 2022 (exercice 2021 – 31 %, exercice 2020 – 14 %, exercice 2019 – 24 %, exercice 2018 – 24 %), 55 % d’entre elles ont été nommées par le CIRDI . Ceci est en effet conforme aux années précédentes où le CIRDI avait également tendance à nommer la plupart des femmes nommées, suivies généralement par les défendeurs, les décisions conjointes des parties combinées avec des co-arbitres, puis, souvent à la traîne, par les demandeurs. Peut-être que la propre expérience constante du Secrétariat d’avoir un personnel composé de 24 nationalités parlant couramment 25 langues, et dont 75% sont des femmes, joue un rôle dans son engagement visible envers la diversité.
7. Nouveaux partis
Le CIRDI est fier de son large éventail de membres. En effet, au cours de l’exercice 2022, le CIRDI a accueilli son 156e et 157e État membre (à la fin de l’exercice 2022, le CIRDI comptait 164 signataires de la Convention). Premier à déposer son instrument de ratification au cours du dernier exercice financier, ce que l’Équateur a fait en août 2021, rejoignant le CIRDI après avoir précédemment dénoncé la Convention CIRDI en juillet 2009 (voir ici). La République kirghize a suivi en avril 2022, 27 ans après avoir signé la Convention. Au cours des cinq dernières années, deux autres États sont devenus signataires de la Convention : Djibouti au cours de l’exercice 2020 et le Mexique au cours de l’exercice 2019. Notamment, depuis le 21 septembre 2022, la Convention CIRDI compte une autre Partie contractante – l’Angola, qui a signé la Convention en juillet 2022.
8. Pleins feux, sensibilisation et perspectives
Les dernières parties de chaque rapport annuel comprennent un aperçu des publications et des documents officiels du CIRDI, des rapports des réunions annuelles et du rapport des auditeurs indépendants (exercice 2022-2019 préparé par Deloitte, exercice 2018 par KPMG). Chaque année, le CIRDI choisit également un thème qu’il met en vedette. Ainsi, au cours de l’exercice 2018, l’accent a été mis sur le processus d’amendement des règles du CIRDI, qui a ensuite abouti au sujet de l’exercice 2022 : Règles et règlements du CIRDI 2022 (pour l’analyse, voir ici). Au fil des ans, d’autres projecteurs ont inclus la médiation (FY2021) et la technologie (FY2020).
Enfin, la partie peut-être la plus agréable à lire du rapport annuel concerne les activités de sensibilisation et de formation du Centre, soulignant les événements, les sessions de formation et les allocutions entreprises par les représentants du CIRDI au cours de chaque exercice financier.
Si des conclusions peuvent être tirées des cinq derniers rapports annuels, elles doivent porter sur la cohérence et le professionnalisme du CIRDI, ainsi que sur la popularité continue du système ISDS parmi les demandeurs et sur la position forte de l’État au sein de ce système. Bien que certaines parties contractantes, ou à tout le moins certains représentants de ces parties, aient récemment développé une attitude négative à l’égard de l’ISDS, les chiffres ne mentent pas. De plus, si les rapports nous montrent quelque chose, c’est peut-être que l’avenir de l’ISDS n’est pas aussi morbide que certains le disent (ou l’espèrent).