Le 27 avril, la CJUE a rendu un nouvel arrêt dans la saga des contrats de prêt à la consommation libellés en devise étrangère, AxFina Hongrie (C-705/21). Il a examiné d’autres conséquences, conformément aux articles 6 et 7 UCTD, de la constatation de clauses abusives qui font peser le risque de change sur le consommateur, lorsque le prêt est libellé dans une devise étrangère, mais que les consommateurs le remboursent dans la monnaie nationale.
Cette affaire concernait un petit droit de la consommation (environ 7k euros) souscrit pour l’achat d’un véhicule et remboursable sur 10 ans. Le prêt était libellé en francs suisses et remboursable en forint hongrois. Un tribunal hongrois a déclaré l’invalidité de ce contrat de prêt sur la base du caractère abusif de la clause imposant le risque de change aux consommateurs. En appel, la saisine avait pour but d’évaluer la conformité avec le droit européen de la consommation des pratiques hongroises actuelles en matière de clauses abusives dans les contrats de prêt à la consommation. À savoir, comme l’expliquent les paragraphes 17 à 19, à la suite de la position non contraignante de la Cour suprême hongroise, la jurisprudence hongroise avait tendance à déclarer les contrats de prêt à la consommation contenant des clauses abusives sur le risque de change « d’application temporaire » – jusqu’à la date à laquelle l’arrêt a été rendu. Cela signifie que le contrat est résilié pour l’avenir, mais n’est pas considéré comme ayant été invalide dans le passé. Lors de la suppression de « la cause de l’invalidité », les tribunaux convertissaient le prêt en forints hongrois (supprimant l’intégralité du risque de change) ou plafonnaient le risque de change (supprimant une partie du risque de change).
Déclarer les contrats de prêt valides et modifier leurs conditions : pas un défaut
La CJUE condamne clairement les pratiques jurisprudentielles hongroises : si une clause fait peser un risque de change sur les consommateurs et est de ce fait déclarée abusive, ce qui entraîne la nullité d’un contrat de prêt, ce contrat ne peut alors être déclaré valide et voir ses clauses modifiées par tribunaux. Peu importe que la modification change la monnaie du prêt ou du taux d’intérêt ou fixe le plafond du taux de change (par. 50). La Cour rappelle les arguments précédemment soulevés sur la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de l’UCTD en ne permettant pas aux juridictions nationales de modifier les clauses contractuelles abusives (paragraphes 38-41). L’exception précédemment adoptée, lorsque l’invalidation d’un contrat pour cause d’abus exposerait les consommateurs à des conséquences particulièrement préjudiciables, et lorsqu’il est possible de remplacer la clause abusive par une disposition complémentaire du droit national, est toujours valable (paragraphe 42). Si de telles dispositions supplémentaires n’existent pas, les juridictions nationales pourraient encore aider les consommateurs confrontés aux conséquences préjudiciables de la nullité du contrat, par exemple en invitant les parties à négocier de nouvelles conditions, dans le cadre fixé par les juridictions nationales (paragraphe 46) ou en ordonnant le remboursement des sommes indûment perçues par prêteur sur la base de la clause abusive en tant qu’enrichissement sans cause (paragraphe 48). Mais les juridictions nationales, dans leurs efforts pour protéger les consommateurs des conséquences préjudiciables, ne peuvent pas aller au-delà de ce qui est « strictement nécessaire » pour rétablir l’équilibre contractuel.
Il ne s’agit peut-être que d’une réitération des règles précédemment déclarées (principalement en Lombard Lizing autre Banque B, voir ici sur ce dernier), mais c’est une répétition nécessaire. Ceci à la lumière de la tendance des tribunaux nationaux à essayer encore de sortir des lignes fixées par la CJUE dans les affaires liées aux contrats de prêt à la consommation libellés en devises étrangères.
Remplacer les clauses de taux de change déloyales par des dispositions complémentaires
En outre, la CJUE a réitéré Dziubak (voir ici) et a souligné le champ d’application restreint de ce qui constitue des dispositions complémentaires, par lesquelles les juridictions nationales peuvent remplacer les conditions de change abusives dans les contrats de prêt à la consommation. Cette substitution ne peut se produire que dans des cas exceptionnels, c’est-à-dire lorsque les consommateurs sont confrontés à des « conséquences particulièrement défavorables » (paragraphe 52). De plus, ces dispositions ne peuvent pas être de nature générale (paragraphe 55), car elles ont dû être adoptées pour répondre spécifiquement à la nécessité de rétablir l’équilibre entre les parties (paragraphe 54). Cela signifie également que ces dispositions complémentaires doivent «remplacer utilement la même clause par une simple substitution par le juge national qui n’exigerait pas de sa part une action qui reviendrait à réviser le contenu d’une clause abusive dans ce contrat‘ (Paragraphe 56).